Bull et les télécommunications
Ce document a été présenté à une journée d'étude de l'Association pour l'Histoire des Télécommunications et de l'Informatique en décembre 2000. Le sujet navait été jusquà présent pratiquement pas documenté et des erreurs et surtout des omissions ont probablement pu sintroduire dans cette première investigation. Pour la phase General Electric, nous avons pu, grâce à Internet, retrouver des témoins français et américains de lactivité durant cette période.
©2000,2002 Jean Bellec et AHTI
Les produits chez Bull, Bull-General Electric, Honeywell-Bull
Les standards
Durant toute cette période, le modèle économique du noyau de lindustrie informatique était celui dune industrie de service (location et support des systèmes de traitement dinformations) cherchant à conquérir et/ou à conserver le marché représenté par lautomatisation de la gestion des entreprises et des administrations. Il était déjà visible que cette automatisation nécessitait lutilisation de facilités de télécommunications afin de parvenir à létendre à la « télégestion », un mot revendiqué par J.-B. Renondin [2] et quil proposait de partager avec Bull au début 1964. | A cette époque, il nétait pas concevable, non seulement en
France, mais dans le monde entier dimaginer des chemins de connexions sans passer
sous les fourches caudines des administrations PTT qui nouvraient aux architectes
des fabricants dordinateurs que les
réseaux télégraphiques et la bande passante vocale des réseaux téléphoniques. Il
faut reconnaître, à la décharge des administrations, que lheure était encore à
la (re)construction dune infrastructure dont le retard sur les Etats-Unis se
mesurait, en France, peut-être d'une dizaine dannées. Par contre, à cette époque, le cadre européen
ne différait de celui des Etats-Unis que par le fait que le monopole de AT&T
sétendait à la fourniture des équipements terminaux. |
La Compagnie des Machines Bull commença à
s'intéresser à l'adaptation de ses matériels aux télécommunications au tout début
des années 1960. Avant son absorption par General Electric en 1964, il ne s'agit que de
systèmes spéciaux de transmission point à point et d'un système expérimental interne
sur Gamma 30 et de fabrication RCA [3]. En 1961, un matériel de transmission de
cartes perforées baptisé « Tradan » utilisait un lecteur-perforateur de
cartes (conçu à partir des éléments d'ateliers de perforation), doté de modems à 200 bauds (bits/s) fabriqués par la
société LTT (Lignes télégraphiques et téléphoniques) fut réalisé. Le débit de
transmission et l'utilisation qui en était faite le mettait en concurrence avec la
transmission par motard en région parisienne
Un système RCA Gamma 30 [4]
connectable à 10 lignes télex servit à quelques ingénieurs de la Direction des Etudes
et du Service Technico-commercial de Bull pour se faire la main sur des applications
transactionnelles et étudier leurs contraintes sur les systèmes d'exploitation. Un
programme de démonstration fut montré au SICOB de 1964 proposant des services du type
ouverture et mise à jour de comptes bancaires ou réservation de places de train et des
commandes d'écho [5]
diverses. Je reste surpris que nous ayons osé faire tenir l'ensemble de ces programmes
sur une machine de 20 K-caractères de mémoire centrale et munie dun disque Bryant
de 22Mc ! Bull réalisa aussi une expérimentation
dun serveur de réponse vocale (échantillons de voix stockés sur tambour sous
forme analogique) sur ce même ordinateur. Contrairement à la compagnie IBM qui
réalisait elle-même des prototypes de modems, Bull n'a jamais envisagé vraiment de
fabriquer des modems et préférait se reposer sur des fournisseurs français comme LTT. A
l'étranger, chaque filiale de Bull devait se bâtir une politique en tenant compte des
orientations des PTT nationaux.
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Les relations avec les entreprises de télécommunications étaient fondées sur un partage des taches dans lequel Bull se contentait de fournir les équipements quil pensait de grande valeur ajoutée, à savoir les terminaux à cartes perforées et les ordinateurs centraux. Les entreprises du monde des télécommunications et/ou les PTT se répartissaient équipements de télécommunications proprement dit et fournitures de terminaux (téléimprimeurs avec ou sans bande perforée). Sur le plan industriel, la direction de
la Compagnie des Machines Bull était en froid avec la CSF (la Compagnie de télégraphie
sans fil), lactionnaire qui lui était imposé en 1963. La CIT, filiale de la
Compagnie Générale dElectricité, se positionnait comme un concurrent éventuel
dans le domaine des ordinateurs avec le CITAC [6]. Finalement Bull considérait, à cette
époque, les entreprises du groupe américain ITT comme de bons partenaires pour
plusieurs raisons : dabord, parce que les velléités de ce groupe dentrer
dans le monde des calculateurs sétaient évanouies avec léchec à Air France
[7],
ensuite, parce que ces entreprises étaient implantées dans toute lEurope, et
quelles avaient en France une symbiose incontestable avec ladministration.
Plus tard, CFTH, licencié traditionnel de General Electric, entreprit en 1964-1965 un
« flirt » avec Bull-General Electric pour la fourniture de modems et de
terminaux, flirt assez vite interrompu par la constitution de la SPERAC [8] dans le
cadre du plan calcul.
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L'expérience de General Electric avant la fusion
Bull-General Electric de 1964 se résumait à la fabrication d'un mini-ordinateur
spécialisé Datanet-30, dérivé de lordinateur de process control GE-312 et mis au point pour la concentration et le
ré-aiguillage de messages Télex pour l'industrie privée (Braniff Airways). Par
ailleurs, le Datanet 15 (Single line Controller) était un adaptateur réalisé pour les
lignes de produits GE-200 et GE-400. C'est à l'époque de lacquisition de Bull que
de nombreux développements en téléprocessing eurent lieu à General Electric aux
Etats-Unis. Ce fut d'abord la conversion du
Datanet-30 en processeur frontal pour l'ensemble des lignes. Avec lordinateur
GE-235, cette association donna naissance au premier système commercial de time sharing,
avec un logiciel conçu par le Dartmouth College [9] . Ce système fut le support du développement
du langage BASIC. Bull-General Electric installa une demi-douzaine dexemplaires de
ce système en Europe entre 1965 et 1967. A partir de 1967, le relais du DTSS [10] fut
pris par le GE-600 (avec le système d'exploitation particulier Mk II [11]), pour
lequel BGE installa les centres de calcul de Paris et Amsterdam). Plus tard, le système
initial du GE-265 présentait la caractéristique d'avoir la partie la plus importante de
son système d'exploitation dans le Datanet 30. Cest ce dernier qui effectuait la
reconnaissance et l'interprétation des commandes et le formatage des données transmises
au processeur GE-235 via un disque partagé, ce qui a fait de ce système un serveur
d'application d'arrière plan. Une des raisons, entre autres, des choix de cette
architecture est que les machines de G-E étaient, à cette époque, toutes basées sur
des caractères codés en 6 bits, ce qui les rendaient très mal appropriées au support
du code ASCII (celui utilisé par les terminaux Teletype ). Dès l'annonce de la nouvelle
génération GE-600, ce système fut introduit avec, pour les communications, un
Datanet-30 utilisé comme frontal et des
Univac 1004 comme terminaux de "remote batch" (traitements par lots à
distance). A cette occasion furent introduits les premiers modems à 2400 b/s.
L'homologation locale des modems par les administrations locales et la non-compatibilité
de modems à "haute vitesse" réalisés par les constructeurs européens rendait
chacune de ces opérations extrêmement complexe et nécessitait la mobilisation conjointe
de négociateurs et de techniciens dans chaque affaire, comme l'absence de support
standard dans les systèmes d'exploitation nécessitait des programmeurs du constructeur
une bonne compétence sur l'application du client et les caractéristiques des terminaux ,
qui, dès qu'on s'éloignait du simple TTY (et encore), posaient chaque fois leurs
problèmes particuliers. Le GE-115 réalisé en Italie
remplaçait rapidement les Univac 1004, tandis que Bull réalisait un prototype pour la
connexion de l'ordinateur ) à cartes Gamma 10. A cette époque du traitement par lots de
l'information, les constructeurs imaginaient de donner une seconde vie aux ordinateurs en
les recyclant sous la forme de terminaux de remote batch. Toutefois, la vision des systèmes quavaient les concepteurs des systèmes dexploitation standard de lépoque nétait pas toujours conforme aux besoins des utilisateurs tels que les percevaient les ingénieurs du support. Le rôle de ceux-ci était souvent dintroduire, tant bien que mal, les chaînes de liaison non standard au sein du système dexploitation.
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Linterface « direct access »
introduite sur le GE-400 (DAPS) puis sur GE-600 (GECOS III) servit damarrage à ces
systèmes spéciaux. Cest ainsi que fut entrepris à Bull-GE le premier système
transactionnel du Groupe sur GE-400 lOn-Line Banking System, lancêtre des
systèmes transactionnels futurs du groupe, à peu près au même moment où le réseau
commercial IBM réalisait son premier CICS. Avec le GE-400, les premières
réalisations pour le compte de clients furent réalisées à partir de 1965, surtout en
France, en Espagne et en Scandinavie. Dans lhexagone, ce fut le système
démission à distance des cartes grises pour la Préfecture de Police qui fut
l'application pilote sur ce système. Certaines liaisons, dans les systèmes
spéciaux, contournaient les spécifications des PTT en utilisant des lignes en site
propre. Dans le cas de Bull, TRAPIL [12] assurait une liaison Paris-Le Havre sur Gamma
M-40. Il ne semble pas, dailleurs, que cette machine française, dotée dun
système de time-sharing contemporain du Dartmouth System, ait été utilisée à partir
de terminaux distants. Quand en 1965, General Electric
s'engagea avec les Laboratoires Bell et le MIT sur le projet « Multics [13]» la
solution d'un ordinateur frontal comme le Datanet 30 ne résolvait pas certaines
contraintes souhaitées par les architectes, tels le contrôle par logiciel de l'échoplex
[14] ;
les contrôles de sécurité par mots de passe cryptés
G-E réalisa donc pour sa
machine GE-645 un contrôleur d'entrées-sorties entièrement paramétrable par
l'ordinateur central, le GIOC, partiellement inspiré du système temps réel en fonction
à Cap Canaveral. Ce GIOC ne fut pas repris par GECOS II [15] ni par les GE-635. De toute façon, à la fin de
lannée 1966, la commercialisation du GE-600 fut interrompue (au moins 18 mois)
jusqu'à la sortie de GECOS III. GECOS III ajoutait aux fonctionnalités remote batch de
GECOS II un sous-système de time-sharing dérivé
du système initial de Dartmouth ainsi que des commandes d'accès direct permettant
d'affecter des terminaux à une application. Le réseau était étoilé (les liaisons
multipoints devaient être programmées par l'application). Le protocoles supportés
étaient soit le GERTS [16]
(pour le remote batch), le mode TTY mais également un mode daccès direct
permettant la réalisation de systèmes spéciaux tels le système de collecte des
chèques (1966-1968) au Crédit Lyonnais interconnexion de 4 GE-400, dune
trieuse de chèques et dun GE-600/DN-30 via des modems américains en bande de base
à 40800 b/s sur une liaison en site propre.. En 1969, le Datanet 30 fut remplacé par
le Datanet 355, plus puissant et un peu moins coûteux. La fonction disque
partagé entre frontal et processeur central fut abandonnée allégeant les
traitements dans le frontal. Après une première phase de coexistence avec le Datanet 30
(GRTS-355), un nouveau logiciel sur le frontal le NPS, Network Program Supervisor
fut introduit en 1972 sur le Datanet 355. NPS supportait entre autres le protocole
HDLC et un le logiciel de transition vers
larchitecture de réseaux DSA.
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Chez Honeywell, à lépoque de la fusion avec G-E, la ligne des machines H-200 possédait un frontal basé sur le miniordinateur H-716, qui fut rebaptisé Datanet 2000 en 1971. Ce Datanet 2000 entrait en concurrence avec le Datanet-355 qui venait dêtre introduit sur la série 6000 (cest-à-dire les anciens GE-600) et, de plus, il était trop onéreux pour les machines moyennes en cours de développement en France et en Italie. Le sort du 716, après la fusion Honeywell-General Electric sera restreint à celui dun RNP (Remote Network Processor) utilisé sur quelques sites H-6000, préfigurant le rôle que prendra plus tard le DPS-6. Je terminerai par une allusion à ce qui
aura été la grande réalisation de Bull en tant que constructeur
dordinateurs : la série 64 devenue DPS-7 qui est née à cette époque
ancienne de lhistoire de la télématique. A partir de 1967, dans les services
détudes du groupe Bull-General Electric, commença la conception de la nouvelle
ligne de produits qui donnera naissance en 1974 au Level 64 (et plus tard au DPS-7).
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L'utilisation de frontaux du type Datanet 355 ou
Datanet 2000 aurait pénalisé le coût de cette machine.
Le DN-2000 existant sur la série H-200 fut reconnecté au Level-64 comme support
de la conversion des clients H-200 (surtout américains) sur le 64. Supporté dabord
par lémulateur H-200, il fut ensuite réutilisé par les programmes COBOL en natif
(mode queued). La
solution plus générale retenue fut de réaliser un "frontal virtuel"
microprogrammé sur le contrôleur d'entrées-sorties d'unit record (URC) [17]. Cet
adaptateur multiligne MLA comportait des adaptateurs de lignes (avec ou sans horloge interne) avec un tampon
dun caractère contrôlé par un « attachement » micrologiciel qui
faisait le filtrage des caractères de service, les traductions de code au niveau
dun bloc de données et alertait le processeur central sur la « fin de
bloc » ou bien sur un signal dattention reçu du réseau. Le MLA fut adopté (via un module BTNS
Basic Transmission Network Supervisor) par toutes les applications logicielles de
GCOS64, avec les protocoles TTY, VIP, BSC et HDLC, X21.
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La situation en 1960 était simple : le seul moyen
de communication de données était le télex, version automatisée du télégraphe. Le
débit de transmission correspondait à 120 wpm soit 120 mots de 5 caractères par minute,
cest-à-dire la vitesse de pointe dun opérateur manuel soit 50 bauds
puisque le codage Baudot avait été universellement reconnu. Le réseau télex était
international. Le terminal et ses dispositifs annexes (lecteur/perforateur de bandes de
papier, dispositif de transmission) étaient fournis par les PTT (Etats-Unis compris). Aux
Etats-Unis, le monopole de AT&T se doublait dun quasi-monopole de fabrication
des équipements par les filiales Western Electric et Teletype. Un des problèmes majeurs du télex
était celui de lintégrité des données. Il faut se rappeler que les chiffres
étaient, pour cette raison, collationnés (répétés en fin de message) dans la
transmission télégraphique. La définition des codes de service de lASCII essaya
de prendre en compte les incidents de transmission. Lutilisation dun code à
7-bits diminuait limpact dune mauvaise transmission des codes dinversion
lettres/chiffres. La reconnais-sance des procédures de début et de fin de messages
(ZCZC, NNNN) comportait une redondance compréhensible en reconnais-sance manuelle dans un
environnement perturbé. Je me souviens des difficultés posées
par lutilisation ASCII des caractères de masquage dimpression sur une ligne
transatlantique de 1971. Les perturbations de ligne nous obligeait à estimer la réponse
de lordinateur Multics de Boston au bruit du télétype, de plus ou moins longue
durée suivant la nature de laccusé de réception. Le monopole de la fourniture des
terminaux par AT&T avait comme justification le risque de perturbation du réseau en
cas de branchement déquipements de transmission inadaptés (risque
dinterférences et risque de perturbation des équipements de facturation sur un
réseau commuté ces équipements nétant pas normalisés entre tous les
opérateurs). La régulation américaine
AT&T ne pouvait commercialiser des ordinateurs provoqua au début des années
1960 un premier pas vers la dérégulation des télécommunications. En effet, cette
décision impliqua quil devint nécessaire de définir la frontière entre
ordinateur terminal et responsabilité du « common carrier ». Cest
lorigine de linterface normalisée V.24 (née RS-232) isolant la partie
analogique susceptible de perturber les lignes de la partie numérique. Bull-General Electric sest
satisfait de ce partage et na pas cherché à étudier la technologie des modems, ni
par voie de conséquence celle des équipements de commutation. La raison essentielle
était que les procédures dagrément étaient longues et coûteuses en particulier
dans les pays européens disposant dune industrie téléphonique
Bull-GE (sous la
responsabilité de Lionel Durand) participa activement aux activités de normalisation
menées au CCITT[18] par
lintermédiaire des commissions AFNOR [19] et de lECMA [20] (qui
était le seul forum de discussions techniques avec IBM et ICT respectivement en France et
en Europe Les représentants de la compagnie dans les comités de normalisation
neurent pas, dans ce domaine, de
directives stratégiques formelles de la direction et se limitèrent à défendre ce
quils voyaient être lintérêt général de la société dans un respect des
avantages techniques dans labsolu. Il y eut (au CCITT) au cours des années
1960 des discussions prolongées pour faire adopter un standard de remplacement du télex,
basé sur le code ASCII à 7 bits. Bull soutint les administrations favorables à ce mode
de base, mais nentreprit pas de réalisation conforme à ce modèle. Le protocole
GERTS utilisé pour le remote batch était antérieur à la définition de ce mode de
base. Ce qui intéressait les constructeurs à cette époque était la définition
dun standard de connexion de terminaux à des centraux. Le monopole des terminaux
définis pour linterconnexion de terminal à terminal était en train de prendre
fin. Les « glass teletype [21]» étaient en train de sélaborer et le « mode de base » se révélait
être un compromis ne répondant pas bien aux besoins du time sharing (le
« break » et à la mise en page sur écran sans parler des considérations sur
les claviers et ensembles de caractères nationaux ). De toutes façons, les administrations
britanniques, puis françaises, entreprirent durant les années 1970 les études du télétext (Ceefax, Minitel) qui
adoptaient leur propre interprétation de lASCII.
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De plus, le support officiel au "mode de
base" dans les communications par caractères se heurta très vite à un besoin de transport des informations binaires pour
lesquels IBM avait déjà introduit le BSC [22]. Les ordinateurs du groupe durent être
adaptés au BSC, mais bien entendu ce support fut largement limité aux systèmes
spéciaux RPQs [23].
Cependant, la carrière du format BSC chez Bull fut relativement courte puisque IBM
annonça son remplacement prochain par SDLC [24] et que dès avant l'introduction de produits
HDLC [25], IBM
proposait ce standard à la communauté télématique [26]. Finalement, SDLC, légèrement amendé, fut
adopté comme partie du standard X.25 sous le nom de HDLC. BGE (pas plus que Honeywell-Bull) ne
songeait alors à une quelconque maîtrise
d'uvre dans des réseaux ouverts. La compagnie restait dans le business modèle où
un client était lié à son constructeur favori, où les grands clients avaient besoin
dextensions (matérielles et logicielles autour de leur grand système, et où les
petits clients avaient des besoins analogues autour de leur système moyen
Le modèle proposé était celui de
réseaux privés : des utilisateurs reliés par des liaisons louées aux PTT et interconnectant des dispositifs de
concentration privés. Ce modèle était le plus rentable pour les constructeurs
informatiques. Dautre part, il ne semblait pas possible de casser le modèle
réglementaire qui interdisait de louer des lignes pour les sous-louer à dautres
utilisateurs. Linterconnexion entre réseaux ne simposait donc quà
lintérieur dune même entreprise et linterconnexion avec le nouveau SNA
balbutiant dIBM relevait des systèmes spéciaux [27] Tout encouragement à des réseaux standards
aurait provoqué lintroduction dun cheval de Troie à lintérieur de
l « offre globale ». Vers 1970, un débat important opposa
les supporters de la commutation de circuits (standard X.21) et ceux de la commutation de
circuits virtuels X.25. Les pays scandinaves imposèrent aux constructeurs informatiques
le support dun X.21 initialement prévu pour améliorer les temps
dinitialisation des lignes téléphoniques. La position officielle de Bull fut
plutôt favorable à X.21 quà X25 parce que le premier (X21) sous-tendait une moins
grande implication des entreprises de télécommunications dans le marché des
équipements numériques. Pour la même raison, les représentants
de Bull préféraient les datagrammes aux circuits virtuels. Cette position relevait
davantage du souci dune filiale de groupe américain de défendre le pré-carré des
constructeurs contre AT&T que dune manifestation dhostilité à
légard des positions de la DGT française. En ce qui concerne Transpac plus
spécifiquement, la vision quen avait Honeywell-Bull était quil diminuait le
chiffre daffaires de la Compagnie (en dispensant les entreprises dacquérir
leurs propres concentrateurs), mais quil était cependant incontournable devant le privilège régalien
quavaient les PTT de fixer les tarifs et donc de maintenir le prix des lignes
louées à un prix suffisamment élevé pour assurer le succès de Transpac. Le problème
fut donc de modifier nos produits pour assurer un support natif à X.25 (ce qui fut fait,
mais ne remporta pas un succès significatif chez nos clients, même après 1975) et
surtout de négocier avec les PTT le support des PAD [28] non seulement pour le protocole TTY, mais
surtout pour les terminaux et grappes de terminaux propriétaires VIP [29] (y
compris dans leurs différentes variantes). Telle était la situation à la veille
de la fusion entre Honeywell-Bull et la CII qui allait engager le nouveau groupe dans la
réalisation avec Honeywell dune « architecture de réseau » DSA en
concurrence avec le SNA de IBM ainsi que dans ses contributions à la définition du
fameux modèle ISO. Avant la fusion CII, nous étions certes
officieusement au courant de lexistence et des objectifs du projet Cyclades, mais il
nous semblait, à lépoque, que ce projet ne devait
pas dépasser le stade expérimental, et, comme dautres projets de
lIRIA, il nétait guère question quen bénéficient les ingénieurs
français dune société américaine. Cependant, aux Etats-Unis, le système
Arpanet utilisant des processeurs de communications de la série 16 Honeywell et
interconnectant le GE-635 du Rome Air Defense Center [30] puis Multics voyait lentement le jour.
Son importance future ne sera saisie par Honeywell, déchirée à cette époque par la
concurrence interne entre ses centres de développement. Ce type de réseau paraissait
alors ne pas devoir dépasser les marchés des administrations publiques américaines.
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Bull. Utilisation en temps réel dun ordinateur Gamma 30.
Notice commerciale 1964
Oldfield.
The King of the dwarves. IEEE. 1998
GE Time Sharing System notice technique 1965
Multics GIOC. FJCC papers
1965 http://www.multicians.org
[1] Jean Bellec a été ingénieur
technico-commercial à la Compagnie des Machines Bull , puis à Bull-General Electric, au
service temps réel de 1962 à 1967, avant dêtre impliqué dans la conception du
logiciel GCOS64.
[2] Ingénieur à la Compagnie Française Thomson-Houston (CFTH) à cette époque.
[3] RCA : Radio Communication of America
[4] le Gamma 30 est un ordinateur moyen de gestion, d'origine RCA, et commercialisé par la Compagnie des Machines Bull de 1961 à 1965
[5] la commande echo permet de renvoyer à l'émetteur son texte afin de s'assurer d'une bonne transmission.
[6] Le CITAC était un calculateur industriel produit par la CIT au début des années 1960.
[7] Air France avait passé commande à LMT d'un
système de réservation automatique basé sur un ordinateur fabriqué par SEL Lorenz. La
commande en fut annulée. Cf. présentation au colloque sur l'Histoire de 'Informatique
tenu à Rennes.
[8] SPERAC Systèmes et Périphériques Associés aux Calculateurs filiale de Thomson et de la Compagnie des Compteurs fondée dans le cadre du premier Plan Calcul.
[9] Institut d'éducation supérieure de Hanover (New-Hampshire)
[10] DTSS est l'acronyme de Dartmouth Time Sharing System, l'un des tous premiers systèmes de temps partagé
[11] Mark II fut le successeur de DTSS commercialisés tous deux par General Electric.
[12] TRAPIL société d'exploitation d'un des premiers oléoducs français.:
[13] Multics cf http://www.multicians.org/
[14] consistant à imprimer sur le terminal de l'émetteur le texte émis par lui-même. Dans certains cas (e.g. mots de passe) on ne souhaite pas faire cette impression.
[15] GECOS General Electric Comprehensive Operating System, le nom du système d'exploitation du GE-600 plus tard abrégé et repris par Honeywell-Bull et CII-HB pour GCOS nom des systèmes d'exploitation des systèmes "propriétaires"
[16] GERTS General Electric Remote Transmission System
[17] ce nom, pas toujours utilisé proprement, a été créé par IBM pour désigner les appareils d'entrées-sorties dont le contenu des médias sont ta ngibles (cartes, papier d'impression, chèques )
[18] CCITT Comité Consultatif International Télégraphique et Téléphonique, maintenant International Telecommunications Union
[19] AFNOR : Agence Française de Normalisation
[20] ECMA : European Computers Manufacturers Association. En fait aussi ouverte aux constructeurs américains.
[21] Nom donné souvent à des terminaux de visualisation à écran sans mémoire
[22] Binary Synchronous Communication, un protocole permettant la transmission d'informations sans les restrictions de l'ASCII réservant de nombreux caractères de contrôle.
[23] Requested Price Quotation, un acronyme d'origine IBM pour désigner les éléments spéciaux hors catalogue.
[24] SDLC Synchronous Data Link Control, le protocole introduit par IBM pour généraliser la transmission des informations binaires.
[25] High Level Data Link Control, la version standard dérivée du DLC
[26] via la représentation des administrations, des constructeurs et des grands utilisateurs dans les comités de normalisation
[27] faute de produits standards "parlant SNA", les demandes des clients devaient être traités par des RPQ (cf. plus haut)
[28] Packet Assembler/Disassembler convertisseur de protocole
[29] VIP Visual Interactive Product (?)
[30] un client de General Electric (centre de recherche de l'US Air Force) ayant utilisé GECOS et MULTICS