MONOPOLES ET CONCURRENCE
Le credo de l'économie européenne depuis le traité de Rome a été depuis le traité de Rome en 1958 celui de la libre concurrence comme base d'une économie optimale à la fois pour les producteurs et les consommateurs. Les velléités "planificatrices" de certains politiciens, la recherche d'une "troisième voie" entre capitalisme et communisme n'ont pas résisté à l'effondrement des régimes basés sur l'idéologie d'une planification centralisée de l'économie. Cet effondrement s'est traduit par une refonte des bases juridiques de l'économie au profit d'une économie capitaliste de marché et de libertés d 'investissement et de commerce mondialisées.
La base fondamentale de ce libéralisme n'a guère évolué depuis Adam Smith, qui analysait la richesse des nations sur la base de l'agriculture et des mines et de leurs produits directement dérivés. Les démonstrations de Adam Smith restent encore largement valables aujourd'hui et les exemples a contrario des échecs socialistes s'adressent aussi à ces segments de l'économie. Le fait nouveau apparu à la fin du XXe siècle est l'importance en matière de dépenses et d'emplois de segments autrefois marginaux de l'économie que sont devenus l'informatique, l'éducation, la presse et le télévision, la publicité, l'ingénierie financière, la chimie fine et la pharmacie et même la distribution.
Est-on vraiment sûr que l'optimum économique dans ces domaines est un régime de concurrence parfaite?
Deux facteurs rarement pris en compte dans les modèles classiques entrent en jeu dans l'analyse de ces segments de marché: la propriété intellectuelle et l'absence de zone à rendement décroissant.
La propriété intellectuelle est née pour permettre l'insertion dans l'économie de travaux individuels que le mécénat ne suffisait plus à subventionner (écrivains, musiciens, chercheurs). De propriété des créateurs, elle a été étendue à leurs héritiers, puis elle est devenue une valeur d'échange pouvant être aliénée et donc considérée au même titre que tout autre bien, mais avec une différence qui lui donne toute sa valeur, c'est qu'elle attribue un monopole à son détenteur. Le problème n'est pas récent et le mécanisme des brevets régulant ce monopole avait été mis en place d'ailleurs de manière non uniforme dans presque tous les pays. Les brevets sont un moyen de rémunérer l'auteur des découvertes, tout en diminuant la portée de l'impact monopolistique en le limitant dans le temps. La couverture des inventions par le mécanisme plus drastique du copyright a rendu beaucoup plus fort le pouvoir de la détention des droits de propriété. L'utilisation du concept de propriété intellectuelle pour "protéger" des inventions permet d'allonger la portée de ces droits bien au delà de la nécessité de survie des inventeurs. Elle crée même un nouvel objet virtuel génératrice de commerce et de profit.
L'exploitation des terres et des mines se traduit toujours par l'apparition d'une zone à rendement décroissant où l'accroissement de la quantité de production se traduit par une augmentation de son coût marginal. Il en est de même dans l'industrie dans la mesure où il est nécessaire de construire de nouvelles usines potentiellement plus coûteuses, comme le démontre l'industrie de semi-conducteurs. Mais il n'en est pas de même lorsque le produit distribué est virtuel, comme le cas de l'édition de la musique et du logiciel peut se fiare sur le web ou en utilisant un canal de distribution guère sensible à l'apparition de rendement décroissant comme le livre ou le disque.